Photos : © Ville d'Yverdon-les-Bains / Carole Alkabes
Ce dimanche 24 novembre, une délégation de la Municipalité a participé à la cérémonie du souvenir pour le 106e anniversaire de l’armistice de 1918 et l’installation du Monument aux morts yverdonnois dans le cimetière d’Yverdon-les-Bains. Cette cérémonie, organisée conjointement, a réuni des représentants de l’Association du Souvenir français, des autorités consulaires et militaires. Ont pris la parole à cette occasion :
Roland Brisse, Délégué Régional du Souvenir Français du Nord-Vaudois
Aurélie-Maude Hofer, ancienne Présidente du Conseil communal
Natacha Nikolic, Consule adjointe, Consulat Général de France à Genève
Le Colonel Sylvain Nogrette, Attaché de Défense près l’Ambassade de France en Suisse
Le Brigadier Yves Charrière, Remplaçant du commandant de la division territoriale 1
Pierre Dessemontet, syndic, dont voici ci-dessous l’allocution prononcée pendant la cérémonie
Mesdames et Messieurs,
Chers membres du Souvenir français, si valeureux dans l’entretien du devoir de mémoire, notamment à l’égard des jeunes générations.
La première guerre mondiale mobilisa 70 millions d’hommes. Elle en tua 10 millions, en blessa 20 millions d’autres. Elle devait être la der des der, la dernière des guerres.
Le 11 novembre 1918, jour où enfin les armes se turent et que nous commémorons en ce dimanche, lorsque sonnèrent les clochers pour annoncer l’armistice au terme de plus de 4 années d’horreurs c’est ce que le monde espère. La communauté internationale via la Société des nations, établie à Genève, s’essaya à mieux anticiper et gérer les conflits, avant de succomber face à l’émergence du fascisme et du nazisme.
À l’issue de la seconde guerre mondiale, où à l’horreur des combats s’est ajoutée la déshumanisation totale des camps de concentration, la communauté internationale se réorganisa et proclama « plus jamais cela ».
Le Souvenir français honore la mémoire des morts pour la France, la mémoire du sacrifice ultime pour sauver sa patrie. La Municipalité d’Yverdon-les-Bains, ville d’un pays neutre et non belligérant, nais terre d’accueil depuis toujours, mais notamment depuis la guerre franco-prussienne de 1870, rend hommage à ces combattants et à tous ceux tombés au champ d’honneur.
La Municipalité d’Yverdon-les-Bains s’incline tout aussi respectueusement devant le Monument aux morts yverdonnois, édifié en 1919, et qui perpétue la mémoire des soldats suisses et des personnels infirmiers décédés pendant les périodes de « service actif » pour la défense nationale de la Suisse.
Récemment la Municipalité a décidé de rapprocher cette stèle, jusqu’alors installée au pied du Château au centre-ville, de celle du Souvenir français. Il lui a semblé judicieux de réaffirmer ainsi le sens de cet hommage à ceux et celles que le pays appelle sous les drapeaux, lorsqu’une guerre éclate, en ce lieu de mémoire et de souvenir.
Dans notre époque si grave et redevenue si conflictuelle, les politiques mémorielles, qu’elles touchent notamment aux guerres, aux massacres, aux génocides ou aux processus de libération et d’émancipation, sont sujettes à controverses.
En fait-on assez ou trop pour édifier les jeunes générations ? Les devoirs de mémoire sont-ils équitables ?
Que valent les célébrations des morts d’autrefois quand meurent aujourd’hui dans le monde, lors de guerres civiles ou hybrides tant d’enfants, de femmes et d’hommes dans une trop grande indifférence ?
À ces questions que tout humaniste et tout démocrate ne peut aborder qu’avec respect, émotion et nuance s’ajoute le retour d’une folle guerre d’agression sur le territoire européen, en Ukraine. Le droit international, élaboré après-guerre, stipule comme intangibles les frontières nationales reconnues comme telles par la communauté internationale. Mais comme nous le savons toutes et tous, cette règle sacrée est violée depuis bientôt trois ans par la Russie.
Lorsqu’éclata cette guerre, la Municipalité décida de pavoiser l’Hôtel-de-Ville avec le drapeau ukrainien, emblème d’un peuple resté debout, contre toute attente, face à l’agresseur.
Là encore, le débat n’a pas manqué de s’enflammer sur la persistance dans l’espace public du drapeau ukrainien, symbole d’un conflit qui s’éternise.
Redisons-le haut et fort, la mémoire des guerres passées, devant lequel nous nous inclinons aujourd’hui, est cruciale et fondatrice. Toutefois, en parallèle, la conscience des guerres qui se déroulent aujourd’hui ne l’est pas moins. Il n’y a pas de gradation dans l’horreur.
Et la démarche mémorielle n’a pas de sens si elle consiste à occulter les conflits actuels au profit des conflits passés, et résolus.
Cela pose in fine la question de la place des morts et des guerres passées et présentes dans nos sociétés et notre quotidien. C’est un sujet pour les sociologues, stratèges et politologues, un sujet pour les philosophes aussi.
Les appréciations peuvent diverger et soyons heureux que le débat existe, et que nous soyons libres de le mener.
Parce que nous sommes en démocratie, que nous célébrons aujourd’hui même, jour de scrutin fédéral, et que c’est justement pour cela que sont tombés et tombent encore tant de soldats et de victimes civiles.
Elles et ils sont tombés et tombent pour notre liberté de penser, d’agir et de se souvenir, montrons-nous dignes de leurs sacrifices passés et présents, agissons en conséquence : avec respect, humilité et reconnaissance.
Je vous remercie de votre attention.